it was a fairytale.
you were here for me.

Et une. Et deux. Et trois statuettes. "Vous avez du poids à perdre et une folle envie de vous quereller avec la famille ? Vous voulez changer de vie et quitter vos quatre murs d'antan ? Prenez un petit-ami qui vous promet ce qu'il y a de meilleur et devenez Shawn McCarter !". Un slogan ou une vérité vraie ? À vrai dire, dans l'instant présent, je ne savais plus trop quoi en penser. La quatrième barbie de bois m'ayant atterrit au beau milieu du crâne. Sans parler de la masse d'injures que ma mère daignait chaleureusement m'envoyer ... il est peut-être temps de filer ?

Sale traînée ! Catin à deux balles ! Comment ai-je pu mettre au monde une saleté pareille ?! Sors d'ici tout de suite tu m'entends ?! Je ne veux plus jamais entendre parler de toi ! JAMAIS COMPRIS ?!

Comment vous expliquez que j'avais osé lui avouer mon mariage avec le jeunot qu'elle détestait le plus au monde et que, cerise sur le gâteau, j'attendais de lui un enfant ? Le tout alors que je venais à peine d'atteindre mes 17 ans. Mais il faut dire que dans la famille, les filles n'ont jamais été un exemple de pureté : ma soeur aînée a su montré le bout de son nez alors que maman venait juste de sortir bredouille du lycée le moins côté de Bucarest. Autant vous avouer tout de suite que la leçon de morale qu'elle cherchait à m'enseigner n'avait, à mes yeux, aucun sens. Et oui : j'avais fait un choix, mon choix, il devait en être ainsi, point barre. Je quitterai donc cette vie d'ermite, cloîtrée au fin fond de la Louisiane, à lire et relire des ouvrages médicaux qu'à force je connais par coeur. Une minute de plus parmi poussière et misère et ç'en est fini de moi et mes offenses incessantes au nom de feu mon père. Voilà. Je me dressai enfin contre ma triste parente et fermai mon sac d'un geste brusque. Installant confortablement ce dernier sur mon épaule, je sentais les larmes de ma mère couler sur ses frêles pommettes autrefois rose de vivacité. M'avançant jusqu'à elle, j'en vins, finalement, à la défier du regard. Ma soeurette ne devant plus tarder de toute façon. J'avais quelques citations affreusement blessantes en bouche mais, face à cette femme, toutes se défilaient. Je la dévisageai une dernière fois ; pâle, tourmentée, damnée. J'espérai alors ne jamais lui ressembler. Lâchant un soupir, je posai ma main sur son épaule et, comme s'il s'agissait de mon paternel, j'engageai un léger rictus sans pour autant en découvrir mes dents. Elle, me regardait toujours avec ce même air hébété. Enfin, je parlai.

Porte toi bien, maman.

Du roumain, évidemment. Et à peine mes mots envolés, je détournai les yeux de sa personne et trottinai jusqu'à la porte. Elle ne bougea pas. Ne broncha pas. Juste me laissa m'évader de ma prison redoutée. Marchant dans les couloirs de l'immeuble, j'enfilai mon blouson et déambulai jusqu'au véhicule de mon concubin. Une page de ma vie tournait. J'en avais conscience. Peut être pas la meilleure, je vous l'accorde, mais certainement pas la pire ...

Tout est bien qui finit bien ?

Ceinture bouclée. Coiffure améliorée. Maquillage rafistolé. A-t-on déjà songé combien le rétroviseur pouvait il compter aux yeux d'une femme ? Je me tournai vers mon tendre époux et arquai un sourcil. Ma lèvre supérieure suivant le mouvement.

Fais moi faire le tour du monde et alors, on en rediscutera.

Mais avais je seulement un soupçon d'idée sur ce qu'est le monde à notre époque ?

love is still a mess
as people who feel it.

Allô ?

On a beau tout tenter, tout briser, tout abandonner : le passé finit toujours par nous rattraper. Et croyez moi ... je sais de quoi je parle. Rio de Janeiro, un mois après la rupture du lien maternel. Je recevais un coup de fil en provenance des États-Unis : Iona McCarter, présumée coupable de bien des crimes, est retrouvée morte sur le sol de son propre appartement, un essaim de pilules gisant à quelques centimètres du corps en question. Aucun témoin. Aucun assassin. Le suicide dans toute sa splendeur. J'en restai bouche bée. Des sueurs froides ne tardèrent pas à faire surface sur mon front qui déjà perlait à grosses gouttes. Quittant la boutique où je me situais, j'en bousculai plus d'un sur mon passage. Ma tête, mes jambes, ma conscience : tout tremblait. Et pour cause : j'étais, en partie, responsable du décès de ma dépressive de mère. Comment avais-je donc pu être aussi ... aveugle face au mal-être que celle-ci présentait depuis presque ma naissance ??? Qu'est ce qui avait bien pu me rendre aussi mauvaise, aussi égoïste envers la seule femme qui jamais ne m'aurait réellement renié ??? En cet instant de perte ultime, j'atteignais le summum de faiblesse, de vulnérabilité qu'un être humain est capable de ressentir. La tristesse, la mélancolie, les remords me rongeaient déjà depuis l'os. Mais qu'importe puisqu'en cet instant de solitude, je me croyais unie, soutenue par le plus admirable des maris ... qui, si on en croit ma malchance, n'en faisait rien bien sûr.
Ainsi, je pénétrai la chambre d'hôtel que depuis quatre jours déjà nous occupions en propageant un bruit digne d'un éléphant au galop. Balançant mon sac avec indifférence, balayant mon maquillage du revers de la main, je me ruais vers la pièce où mon compagnon devait forcément ronfler à en éveiller un mort.

Ma mère est ...

Comme l'employé qu'on licencie, comme le gibier qu'on achève d'un coup de machette, comme la peau de banane moisie qu'on écrase sans même s'en rendre compte : je me senti partir dans une profonde, salissante et oppressante colère noire. Et quelle colère que celle d'une femme qui vient de surprendre son dit conjoint dans le même lit que la serveuse du café d'à côté !!! J'en perdais mon latin, mes bras en tombaient littéralement. Il se releva, tout fier et tout nu maintenant, la traînée brailla à la façon d'un mouton égaré. Sans stationner d'avantage, je fis marche-arrière et repris mon sac avec autant de fermeté que quand j'avais osé délaisser ma pauvre mère qui, je dois le reconnaître, avait parfaitement raison au sujet de ce garçon. Depuis la semaine même où nous avions quitté le territoire américain, il m'en faisait voir de toutes les couleurs. Moi qui lui avais offert ma vie, mon temps, mon argent et un futur enfant. Je sentis le feu d'une fureur certaine me monter aux joues, la rage d'une trahison malsaine envahir mon corps et mes larmes redoubler d'efforts. Lorsque je venais d'atteindre la porte, que j'avais tout juste saisi la poignée et que celle-ci grinçait sous la pression de mes doigts, il m'attrapa l'épaule en la serrant de toutes ses forces.

Je vais tout t'expliquer ! C'est ... c'est la première et dernière fois, je te le jure, Ave' ! Ne pars pas ! Ne me laisse pas tout seul ! Pitié ! Je n'aime que toi ! Il n'y a plus que toi ! Se sera toujours toi ! Reste, je t'en supplie, reste !

Ces mots eurent pour moi l'effet de poignards qu'on aurait habilement logé en mon coeur. Et il osait encore me mentir, prétendre que c'était la "première fois" mais, surtout : la dernière ?! Qu'il m'aimait à ce point ?! Mais non. Je n'étais pas dupe. Pas tant que ça du moins. Et je refusai de fermer les yeux encore et toujours sur sa conduite à mon égard, car je savais qu'un jour où l'autre, comme quelques minutes auparavant, cela se retournerait contre moi. Et que dans ce cas, se sera moi qui me retrouverai seule. Complètement seule ... si je ne le suis pas déjà. Ainsi, je fis un choix. Le bon, j'en suis sûre. Celui qui changea réellement, définitivement, irrémédiablement ma vie : je giflai le goujat, lui jetai ma bague à la figure et lui crachai au visage.

Va embobiner quelqu'un d'autre, sombre crétin !!!

Si je ne m'étais pas évadé la seconde qui suivait mon acte, j'aurai surement rejoins ma mère au pays des femmes humiliées ! Et si j'avais répondu cette simple phrase, c'était sûrement parce qu'à mes yeux, il ne méritait rien d'autre de ma part. Je dus courir, sauter, m'acharner sur mes affaires pour échapper à ce monstre ... et ses insultes révoltantes. Ce n'est qu'une fois dans l'avion, direction la Nouvelle-Orléans, que je compris combien mes actes passés avait fait de moi un déchet que le monde entier accusait, combien, même en faisant le tour du monde, ce dernier restait et désormais restera toujours gris, métallique et creux ...

believe in no one
even in yourself.

Cinq longues et salissantes années se sont écoulées depuis que j'ai involontairement décidé de changer de vie. Notre planète de son côté n'a au passage fait qu'empirer. Et c'est terrorisée par tout le travail qu'aujourd'hui l'on requiert pour exercer une fonction médicale que j'ai arrêté mes études de médecine pour devenir militaire au service de mon pays. Et est ce parce que je me sens obligée de me racheter pour toutes ces erreurs que j'ai autrefois commises, en protégeant mon prochain ? Ou est ce parce que je suis réellement destinée à faire partie des caïds de notre espèce ? Quoi qu'il en soit, je me sens bien dans ce domaine, je me suis pour ainsi dire découvert une passion pour les sensations fortes et l'autorité à mains armées. Apprendre à ce défendre face à ce système tyrannique, je suis certaine que c'était la meilleure chose à faire.
J'ai mis mon enfant au monde. Oui. Celui que j'attendais de mon ex-mari. Mais ... la police me l'a violemment arraché : "naissance illégale" qu'il dise pour cause : le fait que ma mère ai pondu une dizaine de marmots. Encore une fois, j'en paye le prix. Personne pour me soutenir, personne pour me réconforter ou me dire que la vie continue et que je n'y suis pour rien dans la perte de ce petit. Il était pourtant tout ce qu'il me restait. Tout ce que je désirai le plus ici. Mais ça non plus, personne ne voulait l'entendre.
Néanmoins, au fond, je resté la même : sensible, et caractérielle, énergique, et solitaire. Évidemment, pour me préserver d'une autre catastrophe sentimentale, je m'essaye à jouer un rôle. À paraître froide, distante et indifférente ... malheureusement, le naturel revient toujours au galop comme on dit.

Mais l'évènement qui m'a réellement fait prendre un autre chemin que celui qui m'étais destiné est, sans aucun mal, mon recrutement pour partir 85 millions d'années avant notre ère. "Terra Nova". Comment manquer ce titre aguicheur qui, depuis ma naissance ou presque, hante les rues de toute patrie. Un voyage qui vous expédie à l'époque où la nature ambiante était aussi pure que verdoyante et où les masques sont plus qu'inutiles. Un petit coin de paradis — auquel je ne crois pas du tout — qui serait tout de même habiter par nos amis les dinosaures.
Un sale boulot qui, heureusement d'ailleurs, a été discrètement réglé avant notre arrivée, à moi et mes camarades, par un premier "pèlerinage" qui serait composé de gros bras, gros cerveaux et gros moyens ; je n'en doute pas. Construire les cabanes, les barrières, les bases et les nouveaux fringues à la mode : un sacré travail qui, je ne le cache plus, ne m'intéresse guère. Repérer les sources, les bêtes, les zones fertiles et tabasser sur tout ce qui bouge me parait un bien meilleur programme pour une nouvelle vie sans failles.

Tout en m'imaginant ce royaume utopique, j'inspire une dernière fois l'air pollué de notre bonne vielle Terre, scrutant les environs pour m'imprégner des ruines qui bientôt ne seront plus qu'un mauvais souvenir. Prolongeant ma contemplation, ma façon à moi de dire "au revoir" à ce temps révolu, je ne manquai pas de rebondir sur quelques uns de mes compatriotes. Un sac de trois fois mon poids, je reconnais avoir du mal à gérer la trajectoire.
Sans penser d'avantage aux hommes, aux femmes, aux enfants qui resteront pourrir de ce côté du passage temporel, je fixe désormais et inlassablement le vortex qui, dans quelques secondes, me transportera vers ma véritable renaissance. Pied droit. Pied gauche. Pied droit. Pieds joints. J'entre en terre neuve. Et ma dernière pensée en tant que Shawn Avery MacCarter, femme déshonorée, rongée par les remords, les choix d'un bien lourd passé et la pollution centenaire, va droit à ma seule famille, celle que je porte encore dans mon coeur : mère ... et enfant ... qui, j'espère, cette fois, seront fiers de moi et du combat que je mènerai pour avoir un monde meilleur ...

To be continued ...