« P'tain »
« Hé hé c'toi qui t'y colles Ani! »

Ani, alias Anibal, autrement appelé le cannibale. Réputé pour son sarcasme et sa fourberie, Anibal était sans doute l'un des meilleurs éléments de l'armée allemande. Entre manipulation et ambition, il nourrissait des projets à la hauteur des espérances de ses supérieurs, les noyant dans un bain d'euphorie et d'idylle sans qu'ils ne s'en rendent compte. Les ignares.

« Bon, je m'y colle »

Un soupçon de courage et de détermination, et le tour était joué. Pas de quoi fouetter un chat. Il suffisait simplement de demander au boss une soirée, rien qu'une toute petite, pour s'octroyer quelques gorgées d'alcool et finir la tête dans les toilettes. Rien de bien dramatique. Une heure plus tard, ses compagnons l'attendaient avec une impatience non feinte dans le dortoir, le regard pétillant d'excitation et de gaminerie. « Alooors? » La patience? Un mot qui leur était inconnu. Ils étaient aussi excités que des pucelles, sautillante de place en place dans l'attente d'une réponse positive. « Eh bien quoi? On va cuver ou pas? » Cette simple réponse eut un effet autodestructeur sur chacun d'eux, ils ne se firent pas prier pour aller faire guindaille à travers quelques bars, se défiant comme des coqs et titubant comme des ivrognes. Le lendemain matin fut des plus périlleux...

6 heures du matin pile poil.

« Grmrlrm...Allez, debout tout le monde... »

Son mal de tête et ses nausées ne l'empêchaient pas de se lever à l'heure. Il dut faire appel à toute sa bonne volonté pour s'extirper de ses draps, et c'était bien le seul d'ailleurs. Ses compagnons roupillaient paisiblement comme des bébés, logés dans les bras de Morphée comme si leurs soucis s'étaient envolés bien loin de leur cocon douillet. Rassurez-vous, cette douceur ambiante ne durera pas longtemps. « DEBOUT BANDE DE FAINEANTS » cria-t-il en allumant son portevoix, malicieux jusqu'à la moelle. Il reçut en retour une jolie mélodie de plaintes et d'injures, de quoi le satisfaire jusqu'au temps de midi.

[...]

« L'armée? Tu t'fous de moi ou quoi? Ce sont tous que des pourris, des vraies merdes ambulantes!»

Lui cracher à la gueule, c'est tout ce qu'il savait faire. Il dictait son existence depuis sa tendre enfance, faisant de lui son pantin, ou presque. Il aurait pu en faire sa propre marionnette si Anibal n'avait pas été doté d'un caractère de merde, à mordre comme un caniche, aussi buté qu'une mule.

« J'ai l'air de plaisanter? Je rentrerai dans l'armée. Point barre! »

Il s'en fichait pas mal de l'avis de son paternel. Il suivait son propre chemin depuis qu'il était en âge de résoudre 1+1 et de suivre une recette sans trop se casser la gueule. Berlioz Vaughn n'était qu'un alcoolique inné qui avait foiré sa vie pour son propre plaisir. Il était un ancien ripou qui s'était malencontreusement fait choper en flagrant délit de deal avec des scélérats. Il n'avait eu que ce qu'il méritait. Sa mère? Une infortunée qui avait trouvé la mort en offrant la vie à sa petite sœur, Daenerys, sa cadette de cinq ans.

[...]


Je ne suis pas un héros, ni même l'ennemi du peuple...Je ne suis qu'un homme avide d'aventure, l'esprit hagard et gorgé de friandises. Je sers le peuple, ou serait-ce les caprices des hauts gradés? Qu'importe, j'entreprends ce qu'il me plait, et ce qui me semble juste.

[...]


« On va où grand frère? »
« On part aux États-Unis »

La mort de mon indésirable père m'avait fait un choc, plus rien ne me retenait ici, en Allemagne, et la santé de ma sœur exigeait un nouvel environnement. Doué d'intelligence et fin manipulateur, j'avais réussi à obtenir la nationalité américaine, ainsi que ma sœur, avant d'intégrer leur armée. Si au début, j'étais le bouc émissaire de ces têtes de mongoles, j'avais vite fait de les replacer à la case zéro. S'il y avait bien une chose que j'exécrais, c'était qu'on me marche sur les paluches, et j'avais un don particulier pour mordre et envoyer bouler les emmerdeurs. Certains de mes compatriotes se plaisaient à me surnommer « le bouledogue ».

[...]

C'était grâce à mon oncle Ray que nous avions réussi à intégrer la civilisation américaine sans trop d'encombres. Brillant scientifique, il travaillait pour Hope Plaza depuis quelques années maintenant, jouissant de certains privilèges qu'il se permit de nous offrir en nous envoyant tous deux, moi et Daenerys, à Terra Nova. Mes compétences dans le domaine militaire et les connaissances scientifiques de ma sœur nous avaient permis d'affilier le deuxième pèlerinage. Soit, en l'an 2145.

« Raaaah je suis trop excité! T'imagines Ani! On va voir des dinosaures! Rah j'ai trop envie de voir des pterodactyls! »

Ma sœur était à la fois paléontologue et biologiste, et était incontournable dans le domaine scientifique. Nous étions des enfants surdoués de nature, elle avait choisi d'entreprendre de brillantes études, au contraire de moi, blasé par l'étude et friand d'action. J'avais bien du mal à contenir mes émotions quant à ce nouveau départ. Tourner une page usée par le temps pour en recommencer une vierge, au temps des dinosaures. C'était presque comme un rêve d'enfant, un subtil mélange d'excitation et de gourmandise. Mais au fond, j'espérais sincèrement que ce voyage offrirait une meilleure santé à ma cadette, affublée d'une santé fragile.