« Rory je suis rentré ! J’espère que tu n’as rien préparé pour le dîner, je vais nous faire quelque chose de spécial ce soir ! » proféra Nil d’une voix forte, tout en claquant la porte derrière lui. A l’entente de cette voix si rassurante qui berçait mon quotidien depuis maintenant trois mois, mon cœur s’emballa, battant de plus en plus vite ; c’était l’heure. Lentement, et non sans trainer des pieds, je me dirigeai vers la cuisine, un sac à dos imposant glissé sur mes épaules. Nil se retourna vers moi, le sourire aux lèvres, avant de froncer les sourcils l’air incrédule. Je pouvais lire dans son regard l’incompréhension, la peur, la tristesse et l’inquiétude, l’instant d’une seconde j’eu l’envie soudaine de me rétracter, avant de reprendre mon courage à deux mains, voilà maintenant plus d’une semaine que je réfléchis à ce dilemme, je ne reviendrai pas sur ma décision. « Tu…tu t’en vas ? Il n’y a un souci ? Ton frère n’a rien j’espère ? » demanda t-il intrigué. Les lèvres tremblantes, je déposai mon sac à dos et m’avançai vers lui, frôlant son visage mal rasé d’une main, j’essayais d’enregistrer mentalement cette dernière image de lui. « Rassures toi, Roy n’a rien… » lui répondis-je d’une voix douce avant de reprendre, les larmes aux yeux ; « Mais effectivement, tu as bien raison, je m’en vais… » Nil voulut me couper, mais je l’interrompis, mon pouce posé sur sa bouche. « Laisse-moi terminer, s’il te plais… Je ne t’en ai pas parlé mais il y a quelques mois j’ai décidé de participer à la loterie… » déclarais-je d’une voix saccadée par le chagrin. « J’ai été sélectionnée pour le prochain pèlerinage Nil. Tu sais voilà maintenant une semaine que je ne pense qu’à ça, je ne comptais pas partir au début et puis… Je suis vraiment désolée, tu ne peux pas imaginer comme tu es important pour moi, je… je t’aime tu sais et… » d’un geste de la main, il me coupa la parole et m’enlaça tendrement. Nous restâmes quelques minutes ainsi, profitant des derniers instants que la vie nous accordait. Nil s’éloigna ensuite de moi, prit mon visage entre ses deux paumes et repris la parole ; « C’est la chance de ta vie Rory. Tu n’aurais même pas du hésiter, tu aurais du m’en parler plus tôt. Tu as pris la bonne décision, il faut que tu partes, ce monde n’a plus rien à t’offrir. Je t’aimerai toujours, mon ange. » sur ces quelques mots, il déposa un tendre baisé sur mes lèvres, avant d’aller chercher mon sac à dos et de le glisser à nouveau sur mes épaules. Je le contemplai une dernière fois les yeux rougis par la tristesse, avant de me diriger vers la porte d’entrée, sans me retourner. Ce fut la dernière fois que je vis Nil.

« Rory, un patient pour toi ! » hurla Samantha tout en pointant du doigt un lit. Ah, enfin un peu de reconnaissance, songeai-je, on me laisse finalement voler de mes propres ailes ! Je dois dire que j’attends ce jour, cet instant depuis un moment, en réalité, depuis la fois ou j’ai sauvé un homme grièvement blessé par un raptor et ce en pleine nature avec peu de ‘fournitures médicales’, en gros depuis un an. Joyeusement, pour ne pas dire en sautillant, je me dirigeai vers l’endroit désigné par Sam, d’un geste rapide j’ouvris le rideau blanc qui me séparait du patient, un grand sourire rivé aux lèvres… Malheureusement, celui-ci s’effaça de mon visage presque aussitôt. « Encore vous ! » m’exclamais-je, avant de refermer violement le rideau blanc afin de dissiper le bruit de ma colère, d’un espoir encore gâché. « C’est pour quoi cette fois-ci ? Une écharde dans le pied ? » demandais-je exaspérée au soldat qui me faisait face – encore. « Jamais deux sans trois comme on dit ! Et à vrai dire, c’est pour une écharde dans le doigt ! » s’écria t-il gaiement. Excédée, je lui jetai un regard noir tout en étouffant un grognement entre mes dents. « Vous ne…je… ça ne peut pas continuer comme ça ! Vous n’avez pas autre chose à foutre que de venir m’emmerder, encore ? » lui chuchotais-je tout bas, pour que personne ne m’entende, sur un ton exaspéré. « A vrai dire… non. C’est mon temps libre, mon heure de pause. » répondit-il souriant, avant d’effleurer ma joue du bout des doigts, geste qui eut le don de me déstabiliser quelques secondes. « Non mais où vous croyez-vous ?! Pour qui vous prenez-vous ? Désolé de vous décevoir mais je ne suis pas ce genre de femme, de plus je ne suis pas libre. » répondis-je, tout en le repoussant. « Faux. » riposta t-il du tac au tac, sur de lui. « Vous savez très bien que c’est faux. Non seulement vous êtes libre, mais en plus vous êtes seule depuis bien trop longtemps à mon avis, depuis votre arrivée pour être précis. » affirma t-il en insistant bien sur le dernier point. Brusquement, je rouvris le rideau et d’un geste de la main lui fit signe de s’en aller. « Merci pour cet avis d’expert mais la prochaine fois je m’en passerai. » rétorquais-je. Sans perdre le sourire l’agent Finnighan se leva doucement, avant de s’arrêter à ma hauteur et de chuchoter au creux de mon oreille de manière sensuelle ; « Juste quelques verres et je promets de ne plus remettre les pieds ici. » J’eu soudainement l’envie de le repousser violement, mais ses dernières paroles me firent réfléchir à deux fois. « Très bien, juste un verre alors. » concédais-je froidement. « Ou deux… » Objecta t-il, avant de s’en aller.

« Mademoiselle Warhol-Johns, où étiez-vous hier soir dans les environs de minuit ? » me questionna le shérif. Exaspérée, je serrai les dents et les poings, afin de retenir ma colère. Six fois, oui, cela fais six fois qu’on me pose cette question en une heure. Que croient-ils ? Que je vais me mélanger les pinceaux et par la même occasion me dénoncer ? « Je vous l’ai déjà dit, à vous et vos collègues, j’étais chez moi, et je dormais depuis déjà une bonne heure. » répondis-je fermement. « Je vois. » rétorqua le shérif, avant de reprendre calmement ; « et personne pour appuyer votre alibi ? » Je levai instinctivement les yeux au ciel, comment pourrais-je savoir si quelqu’un était là pour prouver mon alibi puisque je dormais, bon sang ! Non, je ne suis pas encore dotée d’un sixième sens. « Non, personne, je suppose… » concédais-je finalement. « Dites-moi Mademoiselle, est-ce que quelqu’un aurait pu avoir accès à votre pass ? » demanda mon interlocuteur. « Non, bien sur que non, je l’ai toujours sur moi en journée et quand je rentre à la maison je le mets à l’abri, il n’y a que moi qui… » je laissai ma phrase en suspend pendant qu’une image s’imposait à moi, celle de Chuck. « Je veux dire, je ne vois pas qui pourrait avoir eu accès à ce pass à part moi et Chuck. Mais c’est impossible qu’il, enfin vous voyez… » conclus-je, peu certaine de moi. « En effet, c’est un homme de confiance, c’est impossible. » Alors, que moi je ne suis pas une femme de confiance songeais-je, irritée. « Vous pouvez rentrer chez vous Mademoiselle. » Sans attendre, je me levai, pressée d’avoir une petite conversation avec Chuck.

Violemment, je claquai la porte d’entrée derrière-moi afin de me faire entendre. J’espérais sincèrement que Chuck soit à la maison, à moins qu’il ne soit trop occupé à piqué des fournitures médical avec mon pass, mon identifiant. La réponse ne se fit pas attendre, la voix grave de mon fiancé me parvint ; « alors comme ça, on est de mauvais humeur ? » cria t’il, depuis la salle de bain. Brusquement, je balançai mon sac à main sur le canapé et pénétrai dans la salle d’eau, Chuck voyant sûrement le regard que je lui lançais, sortit aussitôt la douche. « Il y a un souci ? » me demanda t’il d’un air innocent. « En effet. » répondis-je froidement, avant de lui jeter sa serviette de bain en plein visage. « Figure-toi, qu’aussi bizarre que cela puisse paraître, j’ai été arrêtée pour vole ce soir ! » rétorquais-je. Mon fiancé feignit la surprise, tout en s’essuyant le torse. « Oui, j’ai appris ce malentendu, j’ai d’ailleurs été confirmé ton alibi. » répliqua t’il confiant. J’écarquillai les yeux à l’entente de cette réponse, et restai prostrée dans l’encadrement de la porte, bouche bée, pendant quelques secondes. « À vraiment ? Es-tu certain de ça ? Je te croyais plutôt à l’hôpital en train d’utiliser mon pass. » ripostais-je sur un ton qui se voulait ironique. Chuck accrocha sa serviette au tour de sa taille, avant de se retourner afin de me faire face, un sourire cynique affiché sur le visage. « Malheureusement, ce qui est dommage pour toi c’est que jamais personne ne te croira. » affirma t’il. Fronçant les sourcils, l’air incrédule et surtout confuse, je repris la parole ; « Je te demande pardon ? Il suffit que j’aille voir le lieutenant et toute cette histoire sera réglée. » « Je n’en serais pas si certaine, si j’étais toi ! » Répondit-il du tac au tac, avant de se rapprocher de moi. « Le lieutenant est un ami proche, je n’ai qu’à lui dire que je te couvrais, que tu essayes de m’inculper pour un délit que je n’ai pas commis, et tu seras aussitôt bannie de Terra Nova. » Je sentis mon cœur se serré à l’entente de ces mots, au fond de moi, j’espérais réellement qu’il ne soit pas derrière tout ça. « Je veux que tu partes. » conclus-je fermement. « Je crois que tu n’as pas bien compris. » rétorqua t’il, tout en effleurant ma joue. « Toi et moi, on ne se sépare plus. » sur ces quelques mots, il déposa un baiser sur mon front et clos la conversation ; « Bon, je vais me coucher, tu devrais faire de même. »